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Ps 2,6 Demande !

mercredi 15 décembre 2010, par Frère Paul

Le Ps 2 oppose les rois et les juges de la terre, d’un côté, au Seigneur et son messie de l’autre. C’est dire que dans le camp de Dieu il n’y a pas beaucoup de sages et de puissants selon la chair ! A qui veut savoir sous quelle bannière il est rangé, la question du Seigneur à son messie, Demande-moi ce que tu veux (v. 6) pourra servir de test.

(תה׳ ב ו) שְׁאַל מִמֶּנִּי וְאֶתְּנָה גוֹיִם נַחֲלָתֶךָ וַאֲחֻזָּתְךָ אַפְסֵי-אָרֶץ. אִם גּוֹיִם, כְּבָר הֶם נַחֲלָתֶךָ שֶׁנֶּאֱמַר (תה׳ עב ח) וְיֵרְדְּ מִיָּם עַד-יָם, וְאִם אַפְסֵי-אָרֶץ, כְּבָר הֶם אֲחֻזָּתְךָ, שֶׁנֶּאֱמַר (שם) וּמִנָּהָר עַד-אַפְסֵי-אָרֶץ. אָמַר ר׳ יוֹחָנָן שְׁלשָׁה צָדִיקִם אָמַר לָהֶם הקב׳׳ה שְׁאַל, וְאֵלּוּ הֵן שְׁלֹמֹה וְאָחָז וּמֶלֶךְ הַמָּשִׁחַ. שְׁלֹמֹה שֶׁנֶּאֱמַר (מ״א ג ה) בְּגִבְעוֹן נִרְאָה ה׳ אֶל-שְׁלֹמֹה בַּחֲלוֹם הַלָּיְלָה וַיֹּאמֶר אֱלֹהִים שְׁאַל מָה אֶתֶּן-לָךְ. אָחָז שֶׁנֶאֱמַר (יש׳ ז יא) וַיּוֹסֶף ה׳ דַּבֵּר אֶל-אָחָז לֵאמֹר שְׁאַל-לְךָ אוֹת מֵעִם ה׳ אֱלֹהֶיךָ. וְלָמָּה נִקְרָא שְׁמוֹ אָחָז, שֶׁאָחָז אוֹתוֹ מִלְּהָבִיא טוֹבָה לָעוֹלָם, דָבָר אַחֵר, שֶׁאָחָז בָּתֵּי כְנֵסִיּוֹת וּבָתֵּי מִדְרָשׁוֹת מִלַּעֲסוֹק בַּתּוֹרָה. מֶלֶךְ הַמָּשִׁיחַ שֶׁנֶאֱמַר שְׁאַל מִמֶּנִּי וְאֶתְּנָה. אָמַר ר׳ שְׁמוּאֵל בַּר נַחְמָנִי, לָמַדְנוּ עוֹד שְׁנַיִם מִן אַגָּדָה, אַבְרָהָם וְיַעֲקֹב. אַבְרָהָם שֶׁנֶּאֱמַר (בר טו ב) וַיֹּאמֶר אַבְרָם אֲדֹנָי ה׳ מַה-תִּתֶּן-לִי, מִכְּלָל שֶׁאָמַר לוֹ שְׁאַל. יַעֲקֹב שֶׁנֶּאֱמַר (שם כח כ) אִם-יִהְיֶה אֱלֹהִים עִמָּדִי וּשְׁמָרַנִי בַּדֶּרֶךְ הַזֶּה אֲשֶׁר אָנֹכִי הוֹלֵךְ וְנָתַן-לִי לֶחֶם לֶאֱכֹל וּבֶגֶד לִלְבֹּשׁ וְשַׁבְתִּי בְשָׁלוֹם אֶל-בֵּית אָבִי וְהָיָה ה׳ לִי לֵאלֹהִים... וְכֹל אֲשֶׁר תִּתֶּן-לִי, עַשֵּׂר אֲעַשְּׂרֶנּוּ לָךְ, מִכְּלָל שֶׁאָמַר לוֹ שְׁאַל. וְכֵן הוּא אוֹמֵר (תה׳ כא ה) חַיִּים שָׁאַל מִמְּךָ נָתַתָּה לּוֹ, אֹרֶךְ יָמִים עוֹלָם וָעֶד. וּמַה שָׁאַל, שָׁאַל שֶׁיִּשְׂרָאֵל יִחְיוּ חַ֨יִּים וְקַיָּמִים לְעוֹלָם.

(Ps 2,6) Demande-moi, et je te donnerai les nations en héritage, les confins de la terre seront ton domaine. Quant aux nations, elles sont déjà ton héritage, car est dit (Ps 72,8) [Le messie] règnera de la mer à la mer ; et les confins de la terre sont déjà ton patrimoine, car il est dit (ibid.) … jusqu’aux confins de la terre. Rabbi Yoḥanan enseigne : il y a trois justes à qui le Saint béni soit-Il a dit Demande !, ce sont Salomon, Achaz et le Roi-Messie. Salomon, car il est dit (1R 3,5) A Gabaon, le Seigneur apparut à Salomon dans un songe nocturne, et Dieu lui dit : Demande ce que je te donnerai. Achaz, car il est dit (Is 7,11) Le Seigneur dit encore à Achaz : Demande un signe de la part du Seigneur ton Dieu. Et pourquoi est-il appelé Achaz [litt. « il a saisi, retenu »] ? Parce qu’il l’a retenu de faire une faveur au monde. Autre interprétation : parce qu’il a retenu/empêché les synagogues et les maisons d’études de s’occuper de la Torah. Le Roi- Messie, car il est dit : Demande-moi, et je te donnerai... Samuel bar Naḥmani enseigne : on en connaît encore deux autres par l’Aggadah, Abraham et Jacob. Abraham, car il est dit (Gn 15,2) Abraham dit [à Dieu] : Seigneur Dieu, que me donneras-tu... — ce qui implique [1] qu’Il lui a dit : Demande ! Jacob, car il est dit (Gn 28,20) Si Dieu est avec moi, s’il me protège dans la voie où je marche, s’il me donne du pain à manger et des habits pour me couvrir ; si je retourne en paix à la maison paternelle, alors le Seigneur aura été un Dieu pour moi... et tous les biens que tu me donneras, je t’en donnerai la dîme [2]— ce qui implique qu’Il lui a dit : Demande ! Et de même [au sujet du Roi-messie] il dit (Ps 21,5) Il me demande la vie, je la lui donne, de longs jours, un siècle sans fin ! Qu’a-t-il demandé ? Il a demandé qu’Israël vive et subsiste à jamais.

Le midrash écarte d’abord une lecture « erronée » du Ps 2,6 : le Messie n’a pas à demander les nations en héritage, non plus qu’un territoire étendu jusqu’aux limites de la terre, car ces deux choses lui sont déjà acquises (Ps 72,8). Le sens du verset serait donc : Demande-moi ce que tu veux, sachant que, de toute façon, les nations te reviennent, etc... Mais si l’on écarte le pouvoir et la domination, que reste-t-il à demander ? La réponse se trouve dans la Bible, soit explicitement soit implicitement.

Le vœu de Salomon et la « fausse bonne réponse » d’Achaz

Explicitement, trois rois ont eu à formuler un vœu. Le premier est Salomon : il demande un cœur intelligent, capable de juger le peuple de Dieu, sachant distinguer le bien du mal (1 R 3,9). Il est agréé : (1 R 3,10-12) Dieu lui dit : Parce que tu as fait une telle demande, parce que tu n’as demandé ni de longs jours, ni des richesses, ni la vie de tes ennemis, que tu as seulement demandé l’intelligence afin de savoir rendre la justice, j’acquiesce à ton désir je te donne un tel esprit de sagesse et d’intelligence, que ton pareil n’a pas existé avant toi ni ne se verra après toi. Et il reçoit par surcroît ce qu’il n’a pas demandé : la richesse et la gloire. Le second est Achaz, roi de Juda : homme de peu de foi, qui « passe son tour », alléguant ne pas vouloir mettre le Seigneur à l’épreuve (Is 7,12), sans même se rendre compte qu’il fait obstacle à la générosité de Dieu [3] et – pire encore – qu’il confond Dieu avec le Tentateur. Le troisième est le roi-Messie, selon Ps 2,6 ; le midrash le réserve pour la fin.

Le vœu d’Abraham et de Jacob

Implicitement, deux autres personnages sont concernés : Abraham et Jacob, dont la réponse permet d’inférer la même injonction. Abraham demande une descendance et l’obtient, plus nombreuses que les étoiles du ciel. Jacob demande protection et assistance tout au long de son exil, et l’obtient.

Le vœu du roi-Messie

Dans ces conditions, la question de savoir ce que veut le roi-Messie se complique car, au fond, que reste-t-il à demander qui soit digne de lui et de Dieu ? La réponse se lit au Ps 21,5 où la redondance est importante : de longs jours (pour lui), et un siècle sans fin (pour Israël). Ce que veut pour nous le messie, c’est la vie éternelle.

Ainsi, pour être dans le camp du Seigneur, il ne faut pas être pusillanime. Il faut voir grand, pour soi et pour les autres, et ne pas croire trop vite que nous savons ce que Dieu veut. En effet, ce n’est que par grâce et peu à peu que nous comprenons la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur, la vie éternelle qu’il veut pour nous.

Notes

[1] Locution mishnique, cf. Jastrow, s.v. כְּלָל qui traduit : « by implication ».

[2] Trad. du rabbinat revue.

[3] Cf. le commentaire de Joseph Caro. Achaz avait la possibilité de demander un signe dans les profondeurs ou dans les hauteursdans les profondeurs : « Qu’il te plaise de ressusciter les morts ! » ; dans les hauteurs : « Que descende le prophète Élie ! »

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