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Ps 23,1 Rien ne me manque

mercredi 13 juin 2012, par Frère Paul

Dans le psaume 23, le psalmiste exprime sa confiance en Dieu en l’appelant : « mon Berger ». Comme le berger fait paître ses brebis, ainsi le Seigneur conduit son peuple et le garde en vie. Mais est-ce pour cela qu’il « ne manque de rien » ?

מִזְמוֹר לְדָוִד ה׳ רוֹעִי לֹא אֶחְסַר. זֶהוֹ שֶׁאָמָר הַכָּתוּב (שה״ש ב טז) דוֹדִי לִי וַאֲנִי לוֹ הָרוֹעֶה בַּשֹּׁושַׁנִּים. אָמְרָה כְּנֶסֶת יִשְׁרָאֵל לִפְנֵי הקב״ה הֱוֶה לִי לֵאלוֹהָּ וַאֲנִי אֶהְיֶה לוֹ לְעָם. הוּא לִי לֵאלוֹהָּ, (שמות כ ב) אָנֹכִי ה׳ אֱלֹהֶיךָ אֲשֶׁר הוֹצֵאתִיךָ מֵאֶרֶץ מִצְרַיִם מִבֵּית עֲבָדִים. וַאֲנִי לוֹ לְעָם (יש׳ נא ד) הַקְשִׁיבוּ אֵלַי עַמִּי‮ וּלְאוּמִּי‬ אֵלַי הַאֲזִינוּ כִּי תוֹרָה מֵאִתִּי תֵצֵא. הוּא לִי לְאָב, (יר׳ לא ט) כִּי־הָיִיתִי לְיִשְׂרָאֵל לְאָב. וַאֲנִי לוֹ לְבֵן, (שמ׳ ד כב) וְאָמַרְתָּ אֶל־פַּרְעֹה כֹּה אָמַר ה׳ בְּנִי בְכֹרִי יִשְׂרָאֵל. הוּא לִי לְרוֹעֶה, (תה׳ פ ב) רֹעֵה יִשְׂרָאֵל הַאֲזִינָה נֺהֵג כַּצֹּאן יוֹסֵף. וַאֲנִי לוֹ לְצֺאן, (יח׳ לד לא) וְאַתֵּן‮ צֹאנִי צֹאן‮ מַרְעִיתִי. הוּא לִי לְאָח, (שה״ש ח א) מִי יִתֶּנְךָ כְּאָח לִי יֹונֵק שְׁדֵי אִמִּי. וַאֲנִי לוֹ לְאָחוֹת, (שם ה ב) קֹול דּוֹדִי דוֹפֵק פִּתְחִי־לִי אֲחֹתִי.

Psaume de David : le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. C’est ce que dit l’Écriture, (Ct 2,16) Mon bien aimé est à moi et moi à lui ; il paît parmi les lis. L’assemblée d’Israël dit au Seigneur : Sois pour moi un Dieu, et je serai pour toi un peuple. Il est pour moi un Dieu : (Ex 20,2) Je suis le Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison d’esclavage. Et je suis pour lui un peuple : (Is 51,4) Ecoute, ô mon peuple, tend l’oreille, ma nation, car la Loi sortira de moi. Il est pour moi un père : (Jr 31,9) Car je suis un père pour Israël. Et je suis pour lui un fils : (Ex 4,22) Tu diras à Pharaon : ainsi parle le Seigneur, Israël est mon fils aîné. Il est pour moi un berger : (Ps 90,2) Berger d’Israël écoute, toi qui conduis Joseph comme un troupeau. Et je suis pour lui un troupeau : (Ez 34,31) Vous, vous êtes mon troupeau, le troupeau de mon pâturage. Il est pour moi un frère : (Ct 5,1) Qui fera que tu sois pour moi comme un frère, nourri au sein de ma mère ? Et je suis pour lui une sœur : (Ct 5,2) Voix de mon bien aimé qui frappe à la porte : Ouvre-moi, ma sœur !

Pour creuser la question de la relation qui unit Dieu et son peuple (et chaque croyant en lui), le midrash [1] va tirer de la Bible toute une série d’expressions analogues.

La relation amant / amante

Le premier verset, tiré du Cantique des cantiques exprime, sur un registre amoureux, l’appartenance mutuelle de Dieu (le bien aimé) et d’Israël (la bien aimée) : « Mon bien aimé est à moi et je suis à lui ». Selon cette métaphore audacieuse, non seulement la réciprocité est totale (l’amant et l’amante sont égaux), mais encore c’est Dieu qui « paît » (c’est-à-dire se nourrit, s’étend, se repose) « parmi les lis », c’est-à-dire parmi les justes. Par sa foi et sa justice, Israël récrée son Dieu.

La relation suzerain / vassal

Viennent ensuite deux versets tirés de l’Exode, dans lesquels Dieu déclare solennellement qu’il est et sera le Dieu d’Israël, et Israël qu’il est et sera le peuple de Dieu. C’est une variation sur ce que les exégètes appellent la « formule d’alliance » : tant que tu observeras les termes du contrat qui nous lie, tu seras pour moi un vassal et je serai pour toi un suzerain. En l’occurrence, les termes du contrat sont les commandements de Dieu : Ex 20,2 ouvre le Décalogue. Selon cette conception, Dieu et Israël sont liés par des obligations mutuelles. Tant qu’Israël fait ce qui plaît à Dieu, Dieu est tenu d’assurer sa sécurité et de pourvoir à ses besoins. Mais faisons-nous toujours ce qui est juste ?

La relation père / fils

Selon la troisième métaphore, Dieu est le Père et Israël son fils aîné. Paradoxalement (car cette affirmation intervient alors qu’Israël est au plus bas), Il lui confie tous ses biens. La dignité du croyant, pour n’être pas mondaine (bling-bling), n’en est pas moins réelle : (Ga 4,7) « Tu n’es plus esclave, mais fils, et comme fils, tu es aussi héritier ».

La relation berger / troupeau

Selon la quatrième métaphore, Dieu est le berger et Israël son troupeau : c’est le langage de notre psaume. Jésus en donné le sens ultime : le bon Berger donne sa vie pour ses brebis.

La relation frère / sœur

Selon la cinquième métaphore, Dieu et Israël sont frère et sœur. Nous retrouvons la bien aimée du Cantique, qui s’écrie (en s’adressant à Dieu) : « Qui fera que tu me sois un frère, nourri au sein de ma mère ? ». Réciproquement, Dieu l’appelle : « ma sœur ». Et il ajoute cette promesse : « Ton bassin est une coupe arrondie, le vin parfumé n’y manquera pas ».

Conclusion

Avec le retour du verbe « manquer », la boucle est bouclée : Israël est à Dieu, et Dieu à Israël. La Parole de Dieu le dit sur tous les registres, y compris les plus intimes, les plus oublieux de toute hiérarchie. Aussi, dans nos angoisses réelles, dans l’épreuve du manque et les difficultés de la vie, n’allons pas nous imaginer un Dieu-tyran ou un Dieu inexistant (ce qui revient au même) : Dieu est fondamentalement Dieu-avec-nous, Père, Frère, Amant, Berger, Seigneur. Il traverse avec nous nos épreuves. Faisant un pas de plus, osons nous demander : quelque pauvres que nous soyons, n’avons-nous rien à lui offrir ? « Seigneur, ne t’ai-je pas privé de moi ? »

Notes

[1] Midrash Tehillim  : ha-mekhuneh Shoḥer ṭov, éd. Buber, Jérusalem, 1965.

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