dimanche 6 janvier 2013, par
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C’est l’évangéliste saint Matthieu qui nous relate la venue des mages auprès de Jésus à Bethléem. Dans le récit qu’il nous fait de cet évènement, nous pouvons aligner plusieurs éléments qui en sont constitutifs, et qui nous entraînent plus loin que leur signification première.
D’abord l’étoile, ce « signe » décisif pour les mages, et qui les met en route. Ensuite, leur voyage ; puis le questionnement aux autorités religieuses et le recours à la Parole de Dieu. Enfin, la rencontre avec l’Enfant et le retour « par un autre chemin ».
Une étoile se lève, et pour les mages, elle est significative : ils étaient en attente, ils scrutaient le ciel, leur recherche était organisée et logique, persévérante. Les mages sont un exemple de droiture de cœur, et de loyauté intellectuelle dans la recherche spirituelle. Ceux qui cherchent trouvent. Ils sont rendus capables de lire et d’interpréter des signes que d’autres verront peut-être mais sans y faire attention. Nous pourrons discerner les signes et les passages de Dieu dans notre existence si nous avons l’habitude de chercher Dieu avec constance. Ce n’est pas pour rien que St Benoît donne parmi les signes sûrs de vocation monastique le fait de chercher vraiment Dieu : on ne pourra l’accueillir comme source unique de toute son existence qu’en mettant toute son attention et ses énergies à se rendre proche de lui et disponible à son action.
Ce signe de l’étoile déclenche chez les mages leur départ pour un long voyage. Le signe n’est qu’un commencement parmi d’autres ; il est là pour mettre en route. Les signes de Dieu, les passages du Seigneur dans nos vies ne sont pas des buts ou des terminus, mais des rampes de lancement : il s’agit de se mettre ne route, et généralement, pour vivre la rencontre et exercer la charité. Les mages ne se posent pas de questions, pas d’alternative, il n’y a pas d’indécision dans leur propos : ils y vont. On pourrait dire qu’ils accomplissent cette parole du prophète Zacharie : « Allons donc implorer la face du Seigneur et chercher Dieu ; pour ma part, j’y vais. » (Za 8, 21). Quand Dieu fait signe, il met en nous l’enthousiasme et la conviction.
Arrivés à Jérusalem, les mages, avec un peu d’innocence, s’en remettent aux autorités compétentes ; malheureusement, celles-ci n’ont pas le cœur assez pur, ni la même ouverture pour discerner les signes qui sont donnés. Le sanhédrin, à Jérusalem, est pourtant l’assemblée représentative du judaïsme à qui il revient d’interpréter les Écritures : devant les mages, il va interpréter correctement les prophéties, mais sans se mettre en route, sans bouger, d’une certaine manière sans y croire. La recherche intellectuelle ne suffit pas, loin de là : si le cœur ne se laisse pas toucher, elle demeure stérile.
Ce qui prend le relais de l’étoile, pour les mages, c’est donc l’Écriture et l’interprétation des prophéties. Pour nous, nous dirions le magistère de l’Eglise. C’est son rôle, l’Eglise est « Mère et Maîtresse, experte en humanité », elle guide la conscience des chrétiens à la lumière de la Parole de Dieu. Elle ne le fait pas pour elle-même, c’est pour la gloire de Dieu et le salut du monde, pour le bonheur de l’homme qu’elle travaille. C’est pourquoi sa parole traverse toutes les contestations et les époques, tous les régimes politiques et les gouvernements : et le temps montre que l’Eglise dit vrai pour ce qui est de construire les personnes et d’édifier les nations dans la dignité, la paix et la justice.
Les mages retrouvent leur étoile : le recours à la Parole de Dieu a permis d’être à nouveau clairvoyant et disponible, et de trouver l’énergie pour repartir. La joie qui les habite est décuplée. Vivre pour Dieu, agir pour lui, conduire sa vie en écoutant la voix de sa conscience : rien ne donne autant de joie, de paix, de bonheur discret et profond, qui diffuse et pacifie l’entourage. Arrivés devant l’Enfant, les mages sont à la fois au but, et devant un nouveau commencement : ils offrent ce qu’ils ont de meilleur, de plus précieux, c’est à dire qu’ils s’offrent eux-mêmes, tout leur être et toute leur vie, ils donnent tout leur attachement à ce fils d’homme, à ce Roi des Juifs qu’ils reconnaissent comme Dieu en se mettant à genoux et en se prosternant devant lui.
Les mages savent que leur existence ne s’arrêtent pas à Bethléem ; il leur faut retourner dans leurs pays, il leur faut rayonner l’expérience qu’ils ont vécue, la rencontre qui illumine toute leur vie à présent, là où leur vie les attend. Ils ne s’attachent pas à profiter de la présence du Roi qu’ils ont vénéré : ils repartent avec la lumière qu’il a rayonnée sur eux, et c’est pour les mages une nouvelle étoile bien plus brillante que la première, et qui ne disparaîtra jamais.
Toujours éveillés aux appels de la conscience et aux signes de Dieu, les mages comprennent qu’ils doivent repartir par un autre chemin pour ne pas tomber dans les pièges du mal et les filets des ennemis du bien. Plus profondément, leur cœur saisit que leur vie a radicalement changée maintenant, et qu’elle doit prendre d’autres routes, d’autres manières, d’autres expressions. Rencontrer l’Enfant de Bethléem et le vénérer de toute son âme ne laisse pas indemne : la grâce du salut fait son œuvre de transformation, de conversion.
Frères et sœurs, nous sommes les mages d’aujourd’hui : l’étoile, c’est la lumière de notre foi ; le Roi des rois, le Messie, le Sauveur du monde, nous le trouvons sous la forme du pain et du vin qui deviennent le Corps et le Sang du Christ, comme l’Eglise nous en fait faire l’expérience. L’autre chemin par lequel nous repartons, où qu’il passe, est caractérisé par la communion et l’unité dans la charité, la solidarité, le partage, le pardon et la réconciliation. Offrons à l’Enfant de Bethléem, au Christ ressuscité et glorieux, tout ce qui fait notre vie, ce qui est beau et précieux comme l’or, ce qui est amer comme la myrrhe : et recevons de lui ce qui change une vie pour toujours.